Les lacs d'altitude
Dans les seules Alpes Françaises, on comptabilise près de 600 lacs d’altitude (Martinot et Rivet, 1986).
Les études récentes montrent que ces lacs ne sont pas tout à fait à l’image de « la nature préservée » qu’on leur attribue généralement. Ces milieux subissent en effet des influences humaines à la fois globales (changement climatique, pollution…) et locales (évolution des pratiques et des usages associés aux lacs).
Formation des lacs
La plupart des lacs de montagne sont nés après la dernière grande période glaciaire (-120 000 à – 10 000 ans), et le retrait progressif des glaciers associés.
Les lacs nés du surcreusement des glaciers sont de 2 types :
- Les lacs de verrou
Les glaciers ont un important pouvoir abrasif. Lorsqu’ils rencontrent une roche plus dure, se forme alors un verrou, sorte de colline rocheuse, aux formes arrondies, obstruant en partie la vallée. On observe généralement un surcreusement au pied du verrou, qui peut, à l’issue du retrait du glacier, donner naissance à un lac.
- Les lacs de moraine
En se déplaçant, les glaciers arrachent des fragments de roche, et transportent des débris tombés des versants. Accumulés en bourrelets au bord du glacier, ces débris forment des moraines. La moraine terminale, située au front du glacier, peut alors faire office de barrage et donner naissance à un lac à l’issue du retrait du glacier.
D’autres lacs, d'origine tectonique, se sont formés à l’issue de l'effondrement des terrains, provoquant des cuvettes qui se sont peu à peu remplies d'eau.
Evolution
L’évolution naturelle des lacs d’altitude les conduit à un comblement lent et progressif, du fait de l’érosion de leur bassin versant, et d’un enrichissement progressif du milieu en matière organique. L'évolution des lacs est associée également au phénomène d'« eutrophisation », qui conduit un lac oligotrophe (pauvre en nutriments) à évoluer progressivement vers un état mésotrophe, puis eutrophe.
Ce phénomène naturel peut s’accélérer jusqu’au déséquilibre si des apports extérieurs de matières organiques (effluents de refuges, présence de troupeaux…) s’ajoutent à ces apports naturels. Ce phénomène est alors appelé « dystrophisation ».
Typologie
La typologie suivante, décrite par Martinot et Rivet (1985), classe les lacs selon un degré de "productivité biologique". Elle distingue 5 sortes de lacs :
- Les lacs polaires
Lacs de haute altitude, ce sont les plus froids et les plus « pauvres ». En été la température maximale de l’eau ne dépasse pas 5°C, et la glace les recouvre pendant 10 mois et plus.
Ces lacs se caractérisent par une absence de végétation aquatique et de poissons. La présence de matière minérale en suspension leur donne un aspect souvent laiteux.
- Lacs froids
Ces lacs sont soumis à des conditions climatiques encore rudes. En été la température maximale de l’eau ne dépasse pas 9°C, et la glace les recouvre pendant un peu plus de 8 mois.
Leur bassin versant est dominé par de la roche dure, peu altérable (gneiss, granite ou migmatite). L'eau est donc peu minéralisée et très limpide.
- Lacs de pelouse
Ces lacs sont soumis à des conditions climatiques plus clémentes, et à une minéralisation plus importante que les lacs froids. En été la température maximale de l’eau atteint environ 12°C, et la glace les recouvre pendant un peu plus de 7 mois. Souvent entourés de pelouses, ces lacs se caractérisent par la présence de végétation aquatique, due à l’enrichissement du milieu en substances dissoutes, favorable à une plus grande productivité biologique.
- Lacs verts
Ce sont des lacs plus chauds, plus riches et plus productifs. En été la température estivale de l’eau avoisine les 15°C, et la glace les recouvre pendant environ 6 mois.
La ceinture végétale est plus importante que dans les autres lacs alpins. La couleur verte de l'eau est due à la présence de matière organique en suspension.
On trouve ce type de lacs essentiellement dans le parc régional corse (lacs de Creno, Nino, Bastabi, ...).
- Les grands lacs
Cette catégorie marginale de lacs d’altitude, de grande superficie et soumis à un marnage important, s’oppose à l’ensemble des autres lacs d’altitude dont les dimensions sont beaucoup plus restreintes.
Schéma d'interprétation de la typologie des lacs de montagne français (d'après Martinot et Rivet, 1985) :
Fonctionnement physique d'un lac
Le fonctionnement des lacs est fortement dépendant de la température.
Ces milieux sont suffisamment profonds pour que, à certaines saisons, l'eau ne se mélange plus de haut en bas et se stratifie par température. L'eau est à son maximum de densité à 4°C et cette eau froide a tendance à rester au fond du lac, tandis que les eaux plus chaudes (ou plus froides) ont tendance à remonter à la surface.
Stratification thermique estivale
L’épilimnion est la couche de surface la plus chaude où il y a abondance de lumière et où la productivité biologique est la plus importante. Le vent permet à cette couche de se mélanger, ce qui engendre une homogénéisation de l’oxygène dissous et des autres éléments présents (ex : phosphore…). L’épaisseur de cette couche varie au cours de la saison.
Le métalimnion est la couche intermédiaire, au sein de laquelle la température varie rapidement avec la profondeur. Elle est plus froide que l’épilimnion et plus chaude que l’hypolimnion. La diminution de la température crée une barrière physique entre les couches d’eau, du fait d’une différence de densité. L’oxygène peut y être encore abondant.
L’hypolimnion est la couche froide inférieure faiblement éclairée, au sein de laquelle la température varie peu. L’oxygène dissous, introduit lors des brassages saisonniers, est utilisé, entre autre, pour la décomposition de la matière organique. Parfois, l’oxygène disparait complétement de cette couche d’eau. Ce phénomène est qualifié d’anoxie.
L'alternance saisonnière de périodes de stratification thermique et de brassage a des conséquences importantes sur la vie biologique du lac. En effet, lorsque le brassage débute, les eaux qui remontent sont pauvres en oxygène et riches en nutriments. On peut donc avoir à ce moment-là des augmentations soudaines des quantités d'algues planctoniques, et, notamment si le lac est pollué, une privation d'oxygène qui peut mettre en danger les poissons.
Un lac qui connait une seule période de brassage dans l’année sera qualifié de monomictique, alors qu'on le dira dimictique s'il brasse deux fois par an (et stratifie deux fois également).
Le schéma ci-dessous représente le cas d’un lac dimictique : l'eau présente une stratification thermique normale en été (température plus élevée en surface), inverse en hiver (prise en glace superficielle), avec des périodes intermédiaires homothermes.
Cycles saisonniers d’un lac dimictique : cas du lac d’Anterne
Ecologie
Dans les lacs d’altitude, l’effet du vent et des courants, même s’il est moins important que la température, peut influencer le fonctionnement du lac. Les vents peuvent en effet créer des zones d’exhaussement et d’érosion des berges, ainsi que des courants de surface.
L’eau provenant des affluents du lac (cours d’eau qui se jettent dans le lac) et des émissaires (cours d’eau situés à l’exutoire du lac) induit également des courants et phénomènes de brassage des eaux du lac.
Les lacs sont des écosystèmes caractérisés par l’abondance et la répartition :
- des substances nutritives minérales ou organiques, fortement dépendantes des facteurs physiques, climatologiques et géologiques,
- des organismes vivants : producteurs (phytoplancton = algues pélagiques + benthiques / macrophytes), consommateurs (zooplancton + macro-invertébrés + poissons, issus le plus souvent de campagne d’alevinage) et décomposeurs (bactéries et champignons qui assurent un recyclage des composés organiques vers les producteurs).
La vie dans le lac n'est pas répartie de manière uniforme. Les zones littorales sont de loin les plus productives et diversifiées. En effet, on y trouve à la fois de la lumière jusqu'au fond, ce qui permet aux végétaux de s’enraciner. Ces végétaux servent de support à toute une faune et une microflore (périphyton) particulièrement productive. Aussi, la pente des berges d'un lac constitue un paramètre très important : si la pente est douce, une large ceinture de végétation littorale pourra s'installer et le lac s'en trouvera biologiquement plus riche. Ces ceintures littorales constituent également un habitat important pour la reproduction de nombreux poissons. En milieu de lac au contraire, la seule flore est microscopique et planctonique. Les fonds échappent à la lumière et n'abritent que des organismes décomposeurs.
Notons que les lacs d’altitude sont caractérisés par une pauvreté en éléments nutritifs disponibles pour la faune et la flore aquatiques, en particulier en phosphore et en azote, ce que leur confère un statut de milieu oligotrophe (pauvre en nutriments).
Quelques définitions
Le phytoplancton est composé essentiellement de microalgues dites chlorophylliennes qui, par leur capacité de photosynthèse, produisent de l’oxygène dans les eaux proches de la surface (zones éclairées). Ces microalgues se développent grâce à l’énergie solaire, au gaz carbonique et à des éléments nutritifs (phosphore, azote, etc.) dissous dans l’eau, transformant ainsi des éléments inertes en matière vivante (biomasse).
Le zooplancton (plancton animal) est considéré comme un maillon clef au sein du réseau trophique, car se situant entre le phytoplancton qu’il broute et certains poissons à qui il sert de nourriture. Il est majoritairement constitué de microcrustacés dont l’importance quantitative et qualitative est primordiale mais variable d’un lac à un autre.